Contexte de l’atelier

De janvier à juillet 2017 et durant 12 séances, des travailleurs de l’Esat du Père Lachaise se sont rencontrés pour s’essayer à la prise de son et d’image. Encadré par la réalisatrice Sonie Cabrita et de son assitant Cyril Lévy, en service civique à Retour d’image, cet atelier avait pour objectif la fabrication d’un film court à partir de l’écoute de sons (lieux, voix, environnements) et de l’enregistrement de séquences filmées. De cet atelier a découlé un court-métrage fait d’impressions sonores et visuelles racontant le quotidien des travailleurs à travers l’expression de leurs imaginaires.  La projection de ce film d’atelier s’est effectuée lors d’une séance de restitution, suivie d’un échange entre le public et les particioants présents pour s’exprimer sur leur création.

 


Carnet de bord

Tenu et rédigé par Cyril Levy, volontaire en Service Civique Assistant coordination pédagogique /Chargé de l’accessibilité chez Retour d’Image.

Séance 1 – Lundi 23 janvier – Durée : 2h30

C’est la première séance de l’atelier Création sonore. Nous nous présentons et apprenons à nous connaître.
Les participants présents sont Sophie qui travaille à l’atelier couture, Josette et Max de la blanchisserie, et Agnès du self cuisine.
Sonia commence par nous parler du son, sa définition scientifique (sa matière d’ondes et de fréquence) et la manière dont on le perçoit.
Nous explorons différentes variétés de son. Agnès évoque l’exemple des différences entre la voix perçue directement à la source et celle rapportée par des machines. Elle ne reconnaît parfois pas la voix de ses amis au téléphone.
Sonia explique sa présence, son métier et son rôle. Elle fait le parallèle entre les outils utilisés par les participants au sein de l’usine (machine à coudre, machine à laver) et les siens (le micro, la caméra) pour produire, pour eux, des produits, du textile, et pour elle, des films.
Sonia expose le projet. Elle parle de ce que nous serons amenés à faire avec ses outils : se les approprier et déverser les expériences et le quotidien des travailleurs, dans un film prenant pour base les sons que nous collecterons.
Quelqu’un dans le groupe est réticent. La possibilité d’exposer sa vie privée au cours de l’atelier le dérange.
Sonia introduit la notion de fiction, d’éléments réels modifiés. Cela évoque à Max la fiction écrite comme les romans, ce qui nous amène à aborder le scénario, puis le story-board.
Sonia montre ses documentaires réalisés dans le cadre de Télé Millevaches, la télé locale d’une montagne du Limousin. Ceux-ci sont composés dans un premier temps à partir d’enregistrements sonores, matière première venant nourrir la trame visuelle qui sera captée dans un second temps. On y entend et voit des travailleurs durant leur trajet maison/boulot quotidien.
Le second extrait montre des motards lors d’un bivouac. Ce sujet nous entraîne vers le camping, et les vacances de chacun (Sophie au Portugal, Agnès à Fréjus).

– Quizz Sonore.
Quoi, où, combien ? Ce sont les questions que nous nous posons en écoutant des sons d’animaux.
Nous estimons la distance du coq du micro selon la puissance du cocorico. Des images viennent à l’esprit. Nous voyons la basse-cour, la ferme, la nature autour de nous.

L’intervenante montre la caméra à trois participantes

Séance 2 – Vendredi 17 février – Durée : 5h

Matin :

Pour cette deuxième séance nous sommes rejoints par Abdul de l’atelier conditionnement et Michel qui est aux livraisons.
Sophie résume l’objectif de l’atelier pour ceux qui n’étaient pas là la fois précédente : « prendre des morceaux de sons pour faire un film ».
– Chaque participant donne un son venant de l’atelier de l’usine dans lequel il travaille
Laurence : les hurlements d’un collègue de l’atelier blanchisserie
Abdul : la vapeur des fers à repasser
Michel : le bruit du camion qui démarre, différent selon qu’il est dans la cour ou dans la rue, roues du chariot.
Sophie : la surjeteuse
Agnès : le bruit de la vaisselle, l’entrechoquement des plateaux
– Devinettes sonores
Sonia écrit des adjectifs au tableau. Puis elle nous passe des sons exemples qui illustrent chaque adjectif (fort, lent, continu, etc). La sirène est longue, le hurlement d’un loup aussi, l’aboiement du chien est court, etc.
Oiseau : Abdul « un bois près d’une autoroute » « moi j’ai entendu un corbeau moi »
Agnès « un oiseau en haut, un autre sur les arbres plus bas »
Brame d’un cerf
– Sonia, ça commence par un B
– Sophie : la BOXE !
Abdul « ça c’est un cerf, je regarde les documentaires sur France 5 »
Abdul parle des matchs de foot qu’il regarde en coupant les commentaires sportifs et en y ajoutant de la musique.
On peut regarder un match de foot avec le brame du cerf en fond et ainsi choisir sa propre bande-originale.
Bruit de tronçonneuse découpant du bois
Abdul « C’est un arbre qui tombe ».

Tout le groupe est très enthousiaste et investi. Sonia demande d’attendre la fin des extraits sonores avant de donner son avis mais c’est bien difficile de se retenir !
Sèche-cheveux : On comprend que la source du son se déplace et modifie le ressenti.
Ronronnement de chat : Nous avons l’impression d’entendre « un ours », « une panthère » alors qu’il s’agit tout simplement du plus petit des félins. Le micro est positionné très près de son museau, ce qui confère un aspect puissant au ronronnement. Nous pouvons faire varier l’intensité sonore selon la position du micro.

– Initiation au fonctionnement des enregistreurs et micros (allumer/éteindre, carte SD, piles)
Nous découvrons l’audition amplifiée, l’impression de tout entendre, d’avoir une « troisième oreille ».

– Promenade sonore dans l’ESAT
Ce matin Sonia nous propose de faire une petite promenade sonore dans l’ESAT, nous nous équipons du matériel son et nous partons dans les différentes parties de l’usine écouter avec la « troisième oreille ». Abdul se sent comme dans Casper le Fantôme équipé ainsi. Il a l’impression de traquer des spectres avec un détecteur.

– Retour sur la promenade
Nous sommes tous marqués par le pouvoir du micro, tous les sons sont plus forts, plus précis. Le tintement des doigts sur le métal d’un extincteur devient « un bruit de cloche ».

Après-midi : Sortie au Père Lachaise

C’est la première fois que les travailleurs peuvent enregistrer et découvrir, via le micro, des sons hors-usine. Ils enregistrent nos pas sur les pavés, le chant des oiseaux plus ou moins lointain. Agnès dialogue avec un merle. Les avions qui passent dans le ciel semblent tout proches.
Au retour du cimetière, nous assistons au pot de départ de Martine, une travailleuse de l’atelier couture. Tout l’ESAT est rassemblé dans le réfectoire. On nomme les vainqueurs d’un concours de cartes de voeux. Chacune des gagnantes reçoit des cadeaux. C’est au tour de Martine d’être honorée par les discours des membres de l’équipe administrative. Elle est émue et reçoit ses cadeaux de départ sous les applaudissements.

Séance 3 – Lundi 20 février – Durée : 5h

Le quizz des bruits d’animaux ayant rendus tout le monde très enthousiastes. Nous décidons avec Sonia d’aller voir L’Empereur de Luc Jacquet. Le film raconte l’histoire d’un manchot, de sa naissance jusqu’à l’âge adulte.

Matin :

Nous nous rendons au cinéma MK2 Quai de Seine.
Sonia propose un exercice : au signal (nous nous serrons le bras) nous devons fermer les yeux pendant le film pour ne faire que l’écouter. Tout le monde se prête au jeu malgré la frustration de renoncer aux images. Le film a été bien apprécié par le groupe.

Après-midi :

Retours sur le documentaire « L’histoire d’un pingouin qui a survécu à beaucoup de choses »
Nous étudions les différents sons entendus lors de la projection : les sons naturels (pas sur la banquise, frottement des plaques de glaces, son de l’eau à la surface, en profondeur), les sons artificiels (voix-offs « la voix d’un homme qu’on ne voit pas », musique). Sonia demande « Comment les manchots se retrouvent entre eux ? »
Chacun a un cri singulier qui leur permet de se reconnaître. Chaque voix a son propre timbre, sa couleur, comme une empreinte digitale sonore, sauf que celle-ci est « invisible ».

– Interviews des collègues travailleurs
Nous abordons la question de l’entretien. Comment enregistrer au mieux la parole de l’autre, où place-t-on le micro, à quelle distance ? Il faut prendre en compte l’environnement sonore autour de la voix. Comment enregistrer plusieurs niveaux de sons. On peut entendre la voix de la personne interviewée et percevoir le bruit de la machine avec laquelle il travaille. Les participants partent à la chasse et ramènent plusieurs témoignages recueillis auprès des collègues, on y entend une dame travaillant au self expliquer ce qu’elle fait pendant que les couverts s’entrechoquent, les collègues discutent dans la cour, les fers à repasser crachent de la vapeur et les surjeteuses s’activent sur le tissu.

Séance 4 – Mardi 21 février – Durée : 2h30

Ce jour-là, Sonia propose que nous mimions chacun à notre tour les mouvements de nos travaux quotidiens, tout en décrivant les sons qui les accompagnent. Michel déplace les chargements des camions et nous parle des bruits des moteurs, du son des pneus qui est différent selon qu’il est sur le bitume ou le pavé. Agnès passe la serpillère.
Pour cette séance, l’objectif est de partir une nouvelle fois en quête de sons, mais Sonia précise que cette fois chacun devra réfléchir à ce qu’il veut capter et enregistrer, avant de quitter notre salle de travail.
Les travailleurs énoncent leurs objectifs : interviewer la directrice de l’ESAT, la responsable de l’atelier couture, enregistrer la pause-café des collègues, ils partent avec les micros et les enregistreurs.
Pendant que Sonia accompagne Laurence dans ses enregistrements, nous établissons une liste de tous les sons que les travailleurs entendent de leur réveil jusqu’à leur arrivée à l’ESAT (de la sonnerie au bruit du métro en passant par le bruit de la machine à café et de la douche). C’est la fin de nos sessions de février, nous nous donnons rendez-vous le mois prochain.

Quatre participantes découvrent la caméra avec l’intervenante

Séance 5 – Vendredi 17 mars – Durée : 5h

Matin :

Nous apprenons qu’Abdul ne reviendra plus à l’atelier. Nous accueillons Audrey. Agnès est absente car elle s’est faite une entorse.
Nous quittons l’ESAT pour le MK2 Gambetta où nous allons visionner Patients, premier long-métrage de Grand Corps Malade. Nous avons décidé d’aller voir ce film car le sujet du handicap moteur peut nous amener à aborder la thématique de l’autonomie. Nous arrivons trop tôt et prenons donc un café à côté.
Patients traite frontalement mais avec beaucoup de finesse la façon dont une personne réagit lorsqu’il perd quelque chose qu’il prenait pour acquis. Toutes les phases émotionnelles qu’elle doit traverser, apprendre à se reconstruire grâce à sa propre volonté, le soutien d’un groupe.

Après-midi :

Nous échangeons nos avis sur le film, nous racontons les scènes qui nous on marquées.
Nous discutons de notre regard sur le handicap.
« Être handicapé c’est de ne pas pouvoir bouger, ne pas savoir s’occuper de soi-même ».
Les travailleurs ne se considèrent pas du tout comme invalides.
Nous passons à l’initiation au fonctionnement de la caméra qui enthousiasme tout le monde. Sonia nous conseille : il faut bien penser à son cadre, éviter qu’il ne bouge.
Nous allons prendre des plans dans les ateliers en petite équipe de 2 (1 au son, 1 à l’image). Certains plans sont un peu bancals pour l’instant. Il faut rester stable !

Séance 6 – Lundi 20 mars – Durée : 5h

Matin :

Nous tournons et prenons des sons à l’atelier couture. Les autres travailleurs de l’usine sont curieux et nous regardent déambuler avec notre équipement. « Vous faites du cinéma ? » « Vous pouvez me filmer, je suis une star ! ».
Sonia nous initie aux scénarios en trois étapes : situation initiale, perturbation, résolution.

Après-midi :

– Visionnage d’extraits de films. Mon Oncle de Tati. Dans ce film, aucun son n’a été pris en direct. Tout est recrée par des bruiteurs. Jacques Tati utilise un son cristallin pour le bruit de pas du mari pour créer un décalage.
Etude du décalage musical dans Moonlight de Barry Jenkins. Une scène de football se déroule au son d’une musique classique douce. Un homme musclé et tatoué prend la route avec un chant espagnol très mélancolique.
– Après ce temps d’analyse nous passons à la pratique.
Lors d’un tournage dans l’atelier couture, l’une des équipes filme la confection des poupées UNICEF (confectionnées à l’usine puis envoyées à travers le monde pour les enfants).
Sonia a l’idée d’utiliser ces poupées qui, comme les travailleurs, restent un temps à l’ESAT et finissent par le quitter. Chaque participant créera donc sa poupée.

Séance 7 – Mardi 21 mars – Durée : 2h30

Aujourd’hui nous nous lançons dans un atelier confection poupées. Founé, qui travaille en alternance à l’ESAT, est avec nous pour cette séance. Nous sommes autorisés à utiliser les poupées UNICEF uniquement si nous les maquillons, pour qu’elles ne soient plus reconnaissables et identifiables. Chacun customise donc sa poupée.
Pendant que certains partent prendre des images, nous réfléchissons à des idées de scénario mettant en scène les personnages que les participants ont faits de leurs mains : C’est la fête des mères et la poupée Sylvie aimerait offrir des fleurs à sa mère. Elle se rend au parc, équipée de cisaille et d’un sécateur pour prélever des tulipes. Mais c’est un parc. Le gardien la réprimande et la poursuit. Sylvie s’enfuit sans avoir eu le temps d’atteindre son but. Elle décide de se rendre chez le fleuriste mais n’a pas un sous. Elle remonte en douce chez sa mère pour casser sa tirelire. Sans se faire surprendre elle récupère les sous et retourne chez le fleuriste. Elle a enfin ses fleurs ! Mais il c’est un vase qu’il lui faut maintenant. Cette histoire n’est pas assez connectée avec l’ESAT.

Sonia propose de partir de l’activité de Myriam. Michel à l’image et Sophie au son, nous partons dans les vestiaires où Myriam va recréer ses gestes de nettoyage. Puis nous tournons dans le réfectoire où Myriam sert du café, entourée de poupées.

Portrait d’une participante

Séance 8 – Lundi 24 avril – Durée : 2h30

Ce début de semaine nous continuons à explorer la piste des poupées. Nous partons dans l’ESAT et demandons aux travailleurs de commencer leur phrase par « Si j’étais une poupée… » et de continuer.
Nous recueillons beaucoup de « princesses », de « barbies »…

Séance 9 – Mardi 25 avril – Durée : 5h

Ce mardi nous retournons au Père Lachaise. Mais cette fois, nous sommes équipés de la caméra, en plus des micros. Michel décide de trouver la tombe de Gilbert Bécaud. Nous le suivons dans sa quête. Nous marchons beaucoup (« C’est encore loin Michel ? ») et finissons par trouver la fameuse tombe avec l’aide d’un promeneur.
En revenant du cimetière Sonia demande à chacun de raconter ce qu’il souhaiterait pour sa poupée. Sophie désirerait qu’elle trouve un prince charmant qui l’emmène en voyage. Michel aimerait que la sienne trouve un bateau pour voyager et rencontrer de nouvelles personnes. C’est donc décidé, lors de notre prochaine séance, nous prendrons le large.

Séance spéciale Maison des Métallos – Mercredi 14 juin – 2h

Aujourd’hui nous nous rendons, Audrey, Michel, Sophie, Founé, Max, Fatima, Nicolas (ESAT) et Morgane (Retour d’Image) à la Maison des Métallos, un endroit historique de luttes sociales qui abrite aujourd’hui des expositions, des spectacles engagés. C’est la canicule, nous progressons lentement sous le soleil jusqu’à Couronnes où se trouve la Maison. Nous nous reposons dans le hall et prenons un verre d’eau fraîche. Une responsable nous accueille et nous raconte l’histoire du lieu. Puis c’est l’organisatrice de l’exposition S’Envisager qui nous prend en charge et nous guide jusqu’à l’espace d’installation. Elle consiste d’abord à une exposition de photos prises par des jeunes faisant partie d’une association contre le décrochage scolaire. En tirant le portrait de leurs camarades, ils peuvent trouver de l’inspiration afin de trouver une nouvelle voie. La visite se poursuit, et ce sont cette fois des vidéos qui nous sont présentées. Avec l’aide d’une petit équipe, les jeunes ont interviewé des professionnels de tous les horizons (boulanger, producteur, professeur, maçon, etc), ces derniers leur expliquent leurs professions. Chaque vidéo s’écoute avec un casque, et est projeté soit sur des tablettes, soit sur des écrans fixés au mur. Lorsque Sophie voit des jeunes percher pour prendre du son lors de l’entretien, elle dit qu’elle va s’inspirer de leur technique pour la prochaine séance à l’ESAT. Quand nous repartons, nous discutons de tous les métiers que nous avons pu découvrir.

Séance 10 – Lundi 10 juillet – Durée : 5h

Ce jour-là Myriam n’est là que le matin. Sonia filme Michel, Agnès et Sophie à l’atelier couture. Nous discutons de l’histoire que nous voulons mettre en image, de comment inclure les poupées. Sophie filme les poupées dans les ateliers. Nous sortons devant la vitrine de l’ESAT. Fatima a dissimulé les poupées dans l’atelier et nous partons à leur recherche pendant que Sonia filme. Audrey rigole beaucoup.

Séance 11 – Mardi 11 juillet – 5h

Matin :

Après l’énonciation du rêve de Michel pour sa poupée : partir en mer et rencontrer de nouvelles personnes, nous décidons de planifier une excursion en bateau. Nous nous retrouvons donc tous à l’ESAT, puis nous partons pour le bassin de la Villette où deux petits bateaux nous attendent. On nous explique les consignes de sécurité. Nous montons. Katia (qui nous accompagne pour l’occasion) est aux commandes de l’un avec à son bord, Sonia, Myriam et Sophie. Audrey et Michel embarquent avec Cyril qui pilote. Nous apprenons à maîtriser nos « navires », puis commençons à remonter le canal vers la Villette, nous devons atteindre l’ouverture du pont de l’Ourq qui ne s’ouvre que deux fois par heure. Nous passons au feu vert. Wen Jie porte son bob Ricard et prend du son pendant que Sonia filme. Elle change de bateau et rejoint Audrey, Michel et Cyril. Tout le monde est à l’écoute des bruits qui nous entourent, le clapotis de l’eau, les grincements des bateaux, les sons des activités se déroulant sur les berges. Audrey était inquiète à l’idée d’embarquer, mais elle a très vite changé d’avis une fois à bord. Elle rigole même beaucoup lorsque Sonia et Michel conduisent en zig-zag. Katia pilote vite. Et lorsqu’il est l’heure de se rediriger vers le garage à bateau, elle distance le deuxième bateau.

Michel, Audrey, Cyril et Sonia ont très peur de ne pas arriver à temps pour l’ouverture du pont de l’Ourq. Ils arrivent heureusement à passer.

ESAT 4

Prise de son par un participant dans une barque sur le canal de l’Ourq

Portrait d’une participante dans une barque sur le canal de l’Ourcq

Nous accostons et allons pique-niquer sur le bord du canal où ont été aménagées des petites plages avec transat. Nous discutons de notre virée. Pour beaucoup, c’était la première fois qu’ils naviguaient sur le canal. Nous avons découvert Paris sous un angle nouveau. Après un petit café, nous rentrons à l’ESAT.
Cet après-midi nous faisons un point sur le programme de notre dernière journée et demie ensemble. Nous tombons d’accord sur le fait que le plus important et intéressant est de nous filmer nous, les travailleurs en action, et non les poupées, même si elles doivent faire partie de notre projet. Nous établissons donc une stratégie. Sonia, Michel et Audrey réfléchissent ensemble à ce que nous tournerons demain pendant que Wen Jie, Sophie, Myriam et Cyril partent filmer dans l’ESAT avec pour consigne de demander aux collègues leur avis sur ce qui arrivera aux poupées. Wen Jie s’occupe de questionner, Myriam prend le son, et Sophie est à l’image. Wen Jie improvise et crée des échanges fous et comiques.

Séance 12 – Mercredi 12 juillet – 5h

Pour notre dernier jour d’atelier, nous débutons la journée chez Retour d’Image. C’est l’occasion pour les participants de découvrir l’association qui organise nos séances. Les travailleurs rencontrent Diane, Béatrice, Morgane, Meyriem. Autour d’un petit déjeuner, Diane nous explique les actions de Retour d’Image. Elle nous parle de l’accessibilité, de l’audio-description et du montage. Et c’est aussi pour ça que nous sommes là aujourd’hui. Pour le montage. Nous allons dans la régie de montage équipée d’un ordinateur puissant sur lequel se trouve le logiciel Adobe Premiere Pro. Nous découvrons le plaisir de glisser des vidéos que nous avons tourné au cours de ces 6 derniers mois sur la « timeline », et à les mélanger avec des sons qui n’ont rien à voir afin de créer un décalage. Nous mettons par exemple des images de notre virée en bateau de la veille avec des sons de machine à coudre, ou de surjeteuse. « Les machines font le bruit du moteur des bateaux ».

Après l’initiation au montage. Nous visionnons deux courts-métrages audio-décrits du catalogue de Retour d’Image. Pendant les films, nous fermons les yeux plusieurs fois pour nous mettre à la place de personnes aveugles et nous laisser guider par le son du film et la voix des enfants qui audio-décrivent. Le premier film, La Grosse Bête, ne plaît pas trop aux travailleurs. Il est trop sombre, « glauque » et « il se passe trop de choses, la voix qui décrit va trop vite ». Nous enchaînons avec La Deuxième Vie du Sucrier qui est plus tendre, son rythme est plus posé. Tout le monde est très enthousiaste et touché. Après avoir dit au revoir à l’équipe de Retour d’Image, nous retournons à l’ESAT pour déjeuner.

Cet après-midi, nous mettons en oeuvre le plan de tournage composé par Michel, Sonia et Michel la veille. Nous n’avons que 2h pour boucler notre plan de travail ! Sonia filme et prend le son. Cyril se charge de la direction d’acteur. Nous partons dans l’ESAT et filmons chacun à leur tour Myriam, Wen Jie, Sophie, Michel, Audrey en train d’effectuer les tâches de leur travail quotidien. Chaque travailleur est interrompu par un autre participant de l’atelier qui vient lui demander de le suivre. Ils finissent par tous se retrouver en haut de la passerelle de l’ESAT en même temps, comme pour une réunion. C’était notre dernier plan, et notre dernière séance après 7 mois d’atelier. De l’hiver à l’été, nous avons appris à nous connaître, à écouter ce qui nous entoure, à prendre des sons et des images, nous avons découvert ou redécouvert des endroits et construit un film tous ensemble.